Premiers pas en terres finlandaises...
Helsinki, la capitale...
L’arrivée à Helsinki (Helsingfors en suédois) surprend tant par la température proche de 0° C et les lacs gelés que par l’architecture assez austère.Peu de temps pour appréhender et apprécier la ville, il me faut déjà prendre le car pour Turku (Abo en suédois). Helsinki possède un réseau de trams efficace et bien pensé… cela me permet de visiter les points essentiels de la ville en un temps réduit.
Découverte de Turku
Direction Turku, ville située à environ 150 km de la capitale, au sud-ouest de la Finlande…Turku était autrefois la capitale de la Finlande et l’un des duchés de la Suède. C’est pourquoi aujourd’hui, la Finlande possède 2 langues officielles : le finlandais et le suédois (enseignés en Primaire).
Au détour des bâtiments tous similaires, on découvre quelques maisons typiques en bois qui ont survécu à de nombreux incendies lors d’affrontements avec l’Empire russe.
La douceur de vivre au fil de l'eau :
Les balades le long de la rivière Aurajoki sont agréables à toute heure de la journée. C’est aussi là que se trouve l’animation : beaucoup de restaurants et cafés très fréquentés. Saviez-vous que les finlandais font partie des plus gros consommateurs de café au monde ?Le midi à l’heure du lunch (Louna servis de 11h à 16h), restaurants et cafés proposent de bons menus à prix raisonnables. Le soir, les prix sont doublés.
Un bon plan : les halles de Turku (Kauppahalli) valent le détour tant pour l’animation, que pour la qualité ou la diversité des produits et les menus proposés.
Autre possibilité : faire ses courses dans les nombreuses supérettes ouvertes de 8h à 23h (pour certaines). Ne soyez pas surpris, bien que votre total soit au centime près, on ne vous rendra pas de pièces de 1 et 2 centimes !
Les bus sont nombreux et tous les quartiers de la ville ainsi que de la périphérie sont bien desservis : le réseau de bus Föli porte bien son nom !
Les étudiants de Turku participent beaucoup à l’animation de cette ville. En soirée, il est courant de croiser des groupes d’étudiants tous portant la même combinaison de couleur, floquée avec des écussons en tout genre. Renseignement pris : la couleur dépend de l’université dont ils font partie. A chaque événement ou soirée qu’ils réalisent, ils bénéficient d’un écusson qu’ils fixent sur la combinaison.
Être hébergée durant ce séjour sur le S/Bore, navire-musée qui en plus du musée fait aussi office d’auberge de jeunesse est atypique et inoubliable. Leur slogan est : « It’s such a fine time to get bored”. Je dirai : “It’s such a fine place to be quiet and have a good trip”.
Aux environs de Turku...
Naantali est un petit port de plaisance situé à 15 km de Turku. Il est constitué de maisons typiques presque toutes en bois. Ce village est très calme en cette saison : peu de commerces ouverts, même le village des Moumines (fameuse mascotte des Finlandais !) est fermé.Un peu plus près de Turku, l’île de Ruissalo permet de belles balades entre forêts et plages. A cette période, c’est aussi l’endroit idéal pour tester la nage en eau glacée après une séance de sauna (à haute température).
Le week-end se termine… les choses sérieuses commencent avec la découverte du site de Livia, l’école qui me reçoit…
Découverte du lycée
Ammattiopisto Livia Livie (livia.fi) est un lycée professionnel proposant de nombreuses formations (initiales ou continues) en lien avec les secteurs suivants :
• Social et santé,
• Pêche,
• Agriculture,
• Horticulture,
• Sylviculture,
• Environnement,
• Animaux de compagnies.
Le lycée est éclaté sur 4 sites localisés à Kaarina (secteur social et santé), Tuorla (agriculture et horticulture), Paimio (sylviculture) et Pargas (aquaculture). Il accueille environ 1000 élèves. Le personnel de Livia est constitué de 100 enseignants et 40 non enseignants.
Mino Mali, responsable des échanges internationaux me reçoit, me présente à l’équipe des enseignants scientifiques et me fait visiter les locaux de Kaarina.
Premières impressions
Il me semble que la vie au lycée se passe comme à la maison :• Chaque élève et chaque enseignant retire ses chaussures à l’entrée de la classe ou du self : c’est une façon de se sentir bien dans des locaux propres, en respect au personnel de service,
• Des locaux lumineux et accueillants,
• De fréquentes affiches sur le bien-être des étudiants : où trouver de l’aide, comment se détendre…
• Du matériel bien pensé : au self, les chaises sont accrochées aux tables pour faciliter le travail du ménage, des poufs, des fauteuils dans les salles de pause, une véritable cuisine pour le personnel qui ne va pas au self,
• Pas de CDI, l’emprunt des livres se fait sur le réseau des bibliothèques municipales de Turku, une façon d’optimiser les échanges et les investissements,
• Le calme des locaux malgré la présence des élèves.
Mon planning au lycée de Livia est organisé autour des cours de mathématiques ou de physique-chimie avec les enseignants finlandais et des visites de l’exploitation agricole ou du site aquacole.
Maths et sciences au service du quotidien et au-delà des frontières
Les premiers échanges avec mes collègues enseignants de maths ou de sciences finlandais me permettent de mieux comprendre le fonctionnement du principe de l’enseignement sur le lycée de Livia. Ce lycée accueille des étudiants souhaitant obtenir un Bac Professionnel mais aussi beaucoup d’étudiants adolescents ou adultes en formation continue, reconversion, formation adaptée ou mise à niveau.
Durant deux semaines, j'ai suivi mes collègues leurs cours avec différents groupes (élèves en difficultés, groupes d'immigrés, cours optionnels). A chaque fois, j'ai été surprise par :
• Le respect des uns envers les autres malgré les difficultés et les niveaux sont très hétérogènes : calme, bienveillance, patience règnent dans la classe,
• Pas de sonnerie pour indiquer la pause, la reprise ou la fin des cours,
• L’intérêt des étudiants est variable d’un individu à l’autre : certains ont à peine de quoi écrire, le portable reste à portée de main,
• Les échanges enseignant-étudiant sont cordiaux,
• Chaque élève est responsable de sa progression, chacun évolue à son rythme et sera évalué selon ses capacités : certains mettront 4 ans à acquérir le niveau que d’autre auront effectué en 2 ans ; l’adolescent est en être en évolution, évolution propre à chacun qu’il faut savoir respecter.
Place à la pratique : découverte du site agricole de Livia à Tuorla
Marya, responsable de l’équipe d’enseignants et du personnel permanent sur l’exploitation me guide durant la journée. En matinée, elle m’explique le principe de la formation professionnelle.
Bac Pro à la mode finlandaise
Ici, les élèves en formations initiales obtiennent un diplôme équivalent au Bac Pro en France. C’est une formation en 3 ans (ou plus si nécessaire).La 1ère année, les jeunes ont les modules obligatoires d’enseignement généraux (maths, physique, chimie, finnois…), étudient les notions de base en agriculture et en manutention d’engins agricoles.Durant l’été, les jeunes sont en stage sur l’exploitation du lycée ou une exploitation extérieure.
La 2ème et 3ème année, l’élève choisit des modules optionnels tels que conduite de cultures, élevages ou des thèmes plus spécifiques (conduite d’un méthaniseur, entrepreneur agricole…). Ils ont également des stages à effectuer durant ces 2 ans. L’ensemble des modules est évalué par des tests ponctuels qui valide les compétences. Il n’y a pas d’examen final. Un élève peut retravailler le module et le faire certifier lorsqu’il se sent prêt. Des adultes peuvent même intégrer ponctuellement le groupe pour valider les compétences transmises dans le module.
La matinée se poursuit par la visite de l’exploitation qui se compose :
- D’un bâtiment matériel (une dizaine de tracteurs, une moissonneuse, un semoir…),
- D’un bâtiment ovin (une soixantaine de moutons de race finnoise dont 30 brebis en intérieur prêtes à agneler), cet élevage ovin vient en remplacement de leur unité porcine,
- D’un bâtiment bovin (une vingtaine de vaches Hereford toutes en intérieur à cette période),
- D’un petit poulailler avec 3 poules et un coq de race locale à préserver (cette unité est en accès libre et sert beaucoup aux élèves en difficultés : la proximité de ces animaux rassure et réconforte).
- D’une unité de méthanisation qui produit du biogaz pour chauffer une partie des bâtiments. Celle-ci est alimentée par la fumure et des déchets de restauration provenant des restaurants environnants.
- Des cultures, une centaine d’hectares destinés à l’herbe pour l’élevage et aux céréales (semé en mai et récolté en aout du fait des conditions climatiques, conditions défavorables à la culture du maïs).
L'après-midi, nous retrouvons des élèves en travaux pratiques, chaque groupe sous la responsabilité d’un adulte référent :
- Cinq élèves à l’apprentissage de l’attache/détache du matériel (remorque et racleur) au tracteur et de la conduite de l’ensemble,
- Cinq élèves à l’entretien d’un tracteur (réparation des feux, nettoyage ou changement des filtres à air). L’un d’entre eux est chargé de réaliser une base de données des stocks du petits matériels,
- Cinq élèves à l’entretien du moteur : vidange sur un autre tracteur avec changement du liquide de refroidissement,
- Cinq à l’entretien du silo à graines (fonctionnement de la vis, l’ouverture de trémies…)
Nous poursuivons par la visite des serres (2000 m²) disposant d’une partie légumes et d’une partie plantes annuelles. Là aussi les élèves sont relativement autonomes dans les tâches qu’ils ont à mener.
Les légumes sont utilisés en cuisine au self, les plantes annuelles seront vendues lors d’une porte ouverte qui aura lieu en mai.
Une journée pleine de surprises :
• La quantité et la qualité du matériel à disposition du lycée,• L’implication des élèves dans les travaux d’entretien du matériel et la construction des bâtiments,
• La relative autonomie laissée aux élèves lors des travaux pratiques,
• L’importance de la collaboration et l’entre-aide entre élèves dans le groupe,
• Le nombre d’adultes présents autour des jeunes,
• La mixité des parcours qui enrichit les échanges dans le groupe,
• La souplesse et la délégation de pouvoir faite aux responsables d’équipe tant dans les investissements que les prises de décisions.
De la Terre à la mer : découverte du site aquacole
L’enseignement de l’aquaculture est situé à Pargas, la capitale de l’archipel de Turku, à environ 20 km au sud de Turku. Les bâtiments sont récents et incluent une partie internat car le lycée est excentré de Turku.
La formation est axée sur la transformation de poisson, la pisciculture, la pêche, et le guide de pêche. Je rencontre 2 enseignants en aquaculture et la seule classe présente sur le lycée : un groupe (10 élèves) de 1ère et 2ème année puis Timo, un adulte qui se spécialisent sur en guide de pêche.
Ils viennent de toute la Finlande car il y a peu d’écoles d’aquaculture en Finlande. Les enseignants expliquent que les autres élèves sont en distanciel cette semaine et/ou dispersés sur leur site de « stage ».
Ice fishing une spécialité du coin
Nous partons ensuite pour une partie de pêche sur la glace (ice-fishing ou pêche blanche très répandue en Finlande).Equipés comme il se doit, au milieu du « lac » (archipel de Turku : zone de milliers d’îles située entre la Finlande et la Suède), des trous sont creusés à l’aide d’une tarière.
A l’aide d’une petite canne à pêche équipé d’un moulinet, on fait descendre une ligne munie d’un leurre jusqu’à 2,5 m de profondeur. Des petits mouvements réguliers font bouger l’hameçon et attirent les poissons : 3 perches et 1 corégone lavaret ont mordu à l’hameçon et sont aussitôt relâchés.
Invitation aux échanges
Lors de mon séjour, j'ai réalisé deux interventions auprès des équipes enseignantes et des élèves. Au travers d’un diaporama, je présente le système éducatif français, l’enseignement agricole et mon lycée, le lycée de Bréhoulou à Fouesnant ((https://brehoulou.eu/)).Mes lacunes en anglais rendent les échanges difficiles. Ce n’est visiblement pas le ressenti de mon auditoire qui est surpris par la quantité et la diversité des enseignements dispensés en France même aux élèves de filières professionnelles. Les élèves me posent des questions très techniques auxquelles je ne suis pas toujours en mesure de répondre. Je leur propose donc de venir découvrir notre site par eux-mêmes dans le cadre d’un échange ou d’un séjour Erasmus...
Avant de rentrer sur Turku, nous traversons Pargas, citée résidentielle pour les habitants de Turku ou Helsinki, du fait de sa proximité avec la « mer ».
Le voyage retour : bilan de ce séjour.
Bienveillance, confort, responsabilisation et autonomie des jeunes dans leurs apprentissages, liberté des enseignants, qualité des équipements, entre-aide entre pairs, richesse de la mixité des parcours, validation des compétences au rythme de chacun, souplesse administrative : voilà les termes qui me semblent bien résumer l’enseignement en Finlande.
« Respect » maître-mot de la culture finlandaise !
Outre le respect entre les individus, les finlandais sont respectueux des règles et de leur environnement :- Tout le monde traverse la rue, sur les passages piétons, au feu vert.
- Les radars guettent, mieux vaut respecter les limitations de vitesse.
- Respect de son environnement :
o On ne jette pas ses déchets n’importe où : les poubelles sont bien identifiées et le tri est ancré : verre, métal, papier/cartons et déchets organiques.
Les bouteilles de verre, bouteilles en plastique ou cannette sont d’ailleurs consignées. Chaque magasin d’alimentation possède un récupérateur
o Les toilettes publiques sont toujours propres,
o Les lieux de convivialité extérieurs où l’on trouve des barbecues pour effectuer des grillades sont propres et souvent le feu est entretenu par les gens de passages,
- Respect des différences :
o Tous les menus, que ce soit au restaurant, au lycée, en auberge de jeunesse proposent des produits et des menus végan.
o La mode vestimentaire et les apparences physiques sont très hétéroclites et ne dérange personne.
o Les SDF peuvent entrer dans les bibliothèques ou les magasins pour ramasser les bouteilles, les cannettes et ainsi se faire un peu d’argent en profitant de la consigne.
Que restera-t-il de ce voyage ?
Mis à part quelques idées (absence de sonnerie, plus de fluidité dans les horaires de nos emplois du temps…), difficile de transposer ce système finlandais chez nous.J'espère avoir sucité l'envie de poursuivre cet échange, et recevoir à mon tour les collègues ou élèves finlandais.
A titre personnel, ce séjour est riche de découvertes et de rencontres... il laisse de merveilleux souvenirs. Mais il est constitue une bouffée d’oxygène dans le quotidien de l’enseignement, et permet surtout d'avoir un nouveau regard que je porte sur ma façon de faire et d'être avec les jeunes... tous adultes en devenir.
Merci Erasmus pour permettre de telles expériences… merci à tous ceux qui m'ont aidée à réaliser ce séjour. Merci au lycée de Livia qui m'a accueillie. Kiitos !
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